Balade au fil de l’eau…
C’est ensuite le long de l’Iton que mon voyage s’est prolongé, en suivant les traces de Guillaume Lebelle, de Denis Pondruel et de Jean Zabukovec. Les berges de L’Iton deviennent le lieu de rencontre entre tous ces univers. Pour Guillaume Lebelle, il s’agit d’un voyage littéraire au fil de l’eau. Ses bâches, sur lesquelles figurent des phrases initialement écrites au fusain, sont étendues le long du courant. Parfois anecdotiques, parfois surprenantes, les phrases résonnent différemment en chacun de nous. Elles nous questionnent, étant emprises dans un rapport poétique au monde et à l’environnement. Du côté de Denis Pondruel, le paysage créé est lui aussi évocateur d’idées et de sensations, mais la plus grande d’entre elles est la nostalgie : nostalgie pour une période lointaine, où la ville d’Evreux était encore médiévale. Le sculpteur utilise la transposition pour parler d’Evreux de manière plus subtile. Le résultat est celui d’un petit théâtre mettant en scène des bâtiments médiévaux piégés par les flammes, fonctionnant grâce à l’eau (avec un système de moulin hydraulique, directement plongé dans l’Iton). Cette ville en inox est elle aussi prise dans plusieurs paradoxes : l’eau et le feu cohabitent, alors que les anciens lavoirs de l’Iton abritent cette sculpture moderne. Subsiste la question du « Elle » : s’agit-il de l’ancienne ville ? La réponse se trouve peut-être dans le mouvement perpétuel de la sculpture, grâce à la force hydraulique. Quoi qu’il en soit, ce que l’on retient est le télescopage des années, qui fait coexister la ville médiévale et contemporaine.
« Hardi défenseur de l’art plastique dans la rue, dans la vie, dans l’architecture », les œuvres de Jean Zabukovec (décédé en 2012) peuplent les berges de l’Iton. Cachées près du Beffroi, elles se fondent dans la masse végétale des bords de l’eau, et s’y confondent, malgré leur aspect métallique. C’est un vocabulaire végétal qui est composé grâce aux formes de branches, de tiges ou encore de poissons qui poussent au milieu de ces espaces floraux.
Terminus…
Après un détour place Sepmanville, où Germination réapparaît juste devant la porte médiévale de la ville, mon voyage touche bientôt à sa fin. En effet, le dernier arrêt se fait les yeux rivés vers le ciel, juste devant le théâtre Legendre. Là a été installé par Lélia Demoisy un anneau éclairé la nuit. Autour de l’arbre bicentenaire, le cercle révèle tout un écosystème caché la journée, qui ne vit qu’au crépuscule. La forme circulaire de l’installation n’est pas anodine non plus : elle est la traduction du mariage entre nature et art contemporain que souhaite créer l’artiste. L’arbre est investi comme un être que l’on vient habiller afin de dévoiler ses formes, ses contours et les différentes matières, animales et végétales, qui composent son corps. Habituée à travailler sur des parcs, avec plusieurs arbres, Lélia Demoisy fait le choix de la singularité à Evreux. L’installation ne fait donc qu’épouser le caractère particulier de cet arbre qui a vu traverser les époques, au même titre que la ville.
Après un voyage entre plusieurs univers, inspirations et découvertes, la nouvelle biennale d’art contemporain s’impose comme une sortie incontournable de l’été à Evreux. Pour sa poésie, ses sculptures toutes plus intrigantes les unes que les autres, et les différents points de vue des artistes sélectionnés, ce parcours est la parfaite sortie pour une balade dans le centre-ville. Par Nathan