C'est Marion qui vous l'a dit, le 2 juillet 2025

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Temps de lecture : 6 min

Cette exposition est l’occasion de découvrir deux univers singuliers ainsi qu’ une salle partagée où des œuvres ont été créées à quatre mains spécifiquement pour cet évènement. A la Maison des Arts Solange-Baudoux à Evreux jusqu’au samedi 23 août.

Tous les deux se sont prêtés au jeu de l’interview « Mot à Mot » d’Anne Jaillette retranscrite ici

Ditno 83

est un artiste autodidacte français, originaire de Rouen. Né en 1983, il est issu de la scène graffiti et a découvert cette forme d’art à la fin des années 90, à l’âge de 15 ans ; dès lors il consacre toute son énergie à peindre les murs de sa ville. Le graffiti (il déteste l’appellation street-art ndlr) l’a conduit a travaillé sur de nombreux projets aussi divers que varié, aujourd’hui directeur artistique, Ditno 83 concentre son travail en atelier.

Enfant, quelle était la place de l’art dans votre environnement familial ?

Ditno 83 : Quasiment inexistante au niveau familial, je suis issu d’une famille d’entrepreneurs indépendants où le temps disponible ne laissait pas beaucoup de place à la culture.

Quel fut le choc artistique ou le déclic qui vous a fait prendre conscience que l’art aurait une place importante dans votre vie ?

Du plus loin que je m’en souvienne, c’est en descendant en train dans le sud de la France, mon œil est attiré par de grandes peintures le long des voies ferrées. Ma mère était incapable de me dire de quoi il s’agissait et je resterai avec cette énigme quelques temps. Plus tard, au collège, entre différentes conneries on va croiser des graffitis, on en parle entre potes, on est attiré mais on n’y connaît rien. Juillet 1998, je tombe sur l’interview de Per et Ces, deux « kings » de New York, des fresques incroyables, des anecdotes dingues, le choc est instantané : si eux peuvent le faire, moi aussi… quelques mois plus tard on se retrouve dans notre premier terrain vague, j’ai 14 ans et je sais que ce truc va me tenir toute la vie.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours artistique ?

J’ai un parcours assez atypique, le graffiti c’est l’école du « Do It Yourself’ ». J’ai arrêté l’école à l’âge de 15 ans, je savais que je voulais vivre de ça et en 1998 les options pour faire carrière dans le graffiti n’étaient pas évidentes. Le graffiti t’oblige à trouver des solutions tout le temps : tu peins sans autorisation, dans la rue, dans ou sur un dépôt de train, le long d’une autoroute, tu dois déjouer les lois, la police, les toys, les autres graffeurs, le nettoyage… bref, tu dois trouver tout le temps des « face B » pour arriver à ton but.
Un moyen simple de gagner de l’argent sans travestir ma peinture a été d’imprimer des t-shirts. De là, on a créé une marque avec un pote, ça a bien marché, quelques temps plus tard on montait un studio de création, depuis j’alterne entre business, direction artistique et peinture. J’ai la moitié de mon cerveau qui raisonne business, l’autre créatif, tout se nourrit de façon évidente. Je gère beaucoup de projets à la fois, pour revenir à la peinture, j’ai appris sur le tas, je voulais tout faire dans le graffiti, des fresques, des tags, des trains, j’ai pas mal voyagé grâce à ça (ou à cause). Le graffiti m’a construit, aujourd’hui je travaille essentiellement en atelier comme une continuité et un hommage à ce mouvement.

Quelles rencontres ont marqué votre évolution artistique ?

Elles sont beaucoup trop nombreuses pour être citées.

Quelles sont vos influences et vos sources actuelles d’inspiration ?

Pareil.

Comment définiriez-vous votre démarche artistique ?

Comme un témoignage, j’ai arrêté le graffiti au sens strict, je ne peins plus dans la rue, je concentre mon travail en atelier en utilisant toujours les codes de cet art qui m’a sauvé la vie. Le graffiti est par nature éphémère, c’est le premier mouvement artistique créé par des gosses, très certainement le mouvement de peinture qui a touché le plus grand nombre de gens à travers le monde. Ma démarche sur toile est une forme d’hommage avec la volonté de laisser une trace à l’image du mouvement, pure, authentique et sans concession.

all city ditno 83 ©S Vuillemin EPN
All City Ditno 83 ©S Vuillemin EPN

Dans votre manière de créer, êtes-vous plutôt éruptif ou travailleur du quotidien ?

J’ai besoin d’être totalement disponible pour créer, ce qui ne coïncide que très peu avec mon agenda, donc je me bloque des temps de créas et j’y vais à fond sur le temps dispo.

Pouvez-vous décrire une journée type lors d’une phase créative ?

Une journée qui commence tôt le matin pour se finir très tard, en évitant le maximum d’embûches.

La peur de la panne créative est un mythe ou une inquiétude réelle ?

Je n’ai pas assez de temps pour avoir peur d’être en panne, ma plus grosse contrainte c’est plutôt de ne pas avoir assez de temps pour réaliser tout ce que j’ai en tête.

Quel regard portez-vous sur vos œuvres ?

Un regard assez critique, je suis relativement exigeant de façon générale. Je jette beaucoup de productions que je ne trouve pas assez qualitatives, lorsque je dévoile une pièce, c’est qu’elle me parait parfaite sur l’instant. Sa pertinence, et donc la qualité d’une pièce se voit dans le temps, si elle me plait après plusieurs années, c’est qu’elle était effectivement valable.

Quels sont vos projets, vos rêves en matière de création ?

Beaucoup trop nombreux pour en faire une liste, le prochain projet à venir c’est de finir l’exposition ALL CITY à la Maison des Arts et en faire un succès.

Que représente pour vous le fait d’exposer à la Maison des Arts Solange Baudoux ?

Je suis très honoré d’avoir été invité à exposer à la Maison des Arts, d’autant que j’avais mis une pause dans ma carrière artistique depuis quelques temps. J’ai une vie assez remplie, peu de temps à consacrer à la peinture et je suis très heureux de pouvoir exposer à Évreux. Ma dernière exposition en Normandie était il y a 15 ans, je voulais un événement d’ampleur avec de la place pour m’exprimer. La Maison des Arts et l’accueil de toute l’équipe ont validé toutes ces options.

Selon vous qu’est-ce qu’un artiste ?

Quelqu’un qui arrive à tenir ses rêves jusqu’au bout et marquer son temps au-delà de toutes contraintes.

Quelle est la place de la musique dans votre vie d’artiste ?

Je passe.

Propos recueillis par Anne Jaillette, Directrice de la Maison des Arts.

Semilu et Ditno 83 Evreux All City 2025
Semilu et Ditno 83 Evreux All City 2025

Ce joli article a été écrit par Marion et rangé dans la catégorie « Culture »

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