C'est Marion qui vous l'a dit, le 28 février 2020

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Temps de lecture : 13 min

Le 8 mars, c’est la journée internationale du droit des femmes …
L’occasion est donnée à Pauline de nous parler des ces Ebroïciennes hors du commun

Les femmes artistes et artisanes

Evreux n’est pas en reste en terme de femmes artistes contemporaines. Le parcours de sculptures (vernissage le 4 avril prochain à 15h) est proposée par une femme Julie Borel et il consacre plusieurs artistes femmes ; notamment la magnifique serre dans le jardin public, rénovée avec la complicité de Christiane Müller, sculptrice. On peut parler aussi de Claire Cachelou, joaillère, personnage du monde artistique ébroïcien qui nous a aussi décrit, lors d’une conférence sur l’égalité salariale justement le 7 novembre 2017, la vie parfois compliquée d’une femme artisane, mère et indépendante que la loi a souvent oubliée. Claire ouvre régulièrement son atelier pour le transformer en salle d’exposition et mettre en avant d’autres artistes.

Ce fameux 7 novembre, Christiane, Claire ont été mises à l’honneur à travers un Collectif des Artistes Femmes pour orienter les regards sur un domaine particulièrement sensible à l’occasion de la journée de lutte contre l’inégalité salariale. Exposer leurs œuvres, a participé à l’événement non pas comme un décor mais bien dans le but de montrer notre besoin d’exister et renforcer notre engagement à créer une vraie visibilité de la femme dans l’art. Je me dois de toutes les citer parce qu’elles avaient fait et font toujours un travail exceptionnel : Martine Bourre, illustratrice et plasticienne, Claire Cachelou, Bijoutière-Joaillière, Dominique Cordier, Photographe, Mina El Bakali, Artiste plasticienne, Micheline Henaff, Peintre et Sculpteure, Frédérique Lesoeur, Ecrivaine, Plasticienne et Photographe, Juliette Leperlier, Sculpteure sur verre et Photographe, Odile Lhuillery, Plasticienne, Christiane Müller, Sculpteure et Dessinatrice, Fabienne Sapowicz, Peintre, Jackye Soloy, Peintre et Plasticienne, Pascale Viné, Plasticienne, Ysabelle Voscaroudis, Auteure et Comédienne, Marie Voslion, Peintre.

la Serre tropicale du jardin Botanique œuvre de C Müller ©S Vuillemin EPN

Claire Duguey & Dame Berthe

Dans cette boutique, vous trouvez une des dernières couturières qui fait les robes de mariées en France, une des dernières artisanes en la matière. Claire Duguey a de qui tenir puisque sa maman Berthe Duguey est une légendaire couturière.
Berthe est née en Lorraine et elle a 20 ans lorsqu’elle devient artisane couturière, pendant 50 ans elle coud. Elle sera présidente de la Fédération des Artisanes Couturières, seule femme à la tête de fédération d’artisans.
Mais ce qui fait d’elle une grande dame c’est son engagement dans les années 80 dans le gouvernement Mitterrand à la demande du Secrétaire d’Etat à l’artisanat. Si Dame Berthe, comme nous la surnommons, accepte ce poste, elle pose ses conditions. Seulement deux jours par semaine car elle garde son activité et son magasin à Evreux. Elle est la première membre de la société civile à intégrer un ministère.

Elle travaille alors sur la loi des compagnes d’artisans et de commerçants pour permettre la mise en place d’un statut reconnaissant celles qui, souvent, travaillent dans l’ombre de leur mari. Aujourd’hui, cette loi est bien connue dans le monde de l’artisanat et a valu à Berthe Duguey la légion d’honneur et l’ordre du mérite.

C’est elle qui a formé sa fille, Claire, à la couture et aujourd’hui encore vous retrouvez en la marque Duguey une marque d’excellence ébroïcienne.

Les lavandières, ou le travail domestique d’antan à aujourd’hui

L’Iton a joué toujours un grand rôle dans la vie des ébroïciens et des ébroïciennes : canal économique mais aussi eau source de vie sociale. Les lavoirs sont trop peu nombreux à Evreux alors les habitant.e.s lancent des pétitions pour en obtenir des communaux. Dans le même temps, les nombreuses habitations qui jalonnent l’Iton construisent les leurs et en monnaient l’accès. Certains lavoirs sont restés en fonction après la deuxième guerre mondiale, jusqu’à ce que les machines à laver se démocratisent et que tout le monde en ait chez soi.
Les lavoirs ne sont pas les seules choses qui bordent l’Iton, les maisons au bord de la rivière faisaient aussi construire des ponts et des moulins. On a d’ailleurs surnommé Evreux la ville aux cent ponts, on en a compté jusqu’à 300 !

Les femmes d’Evreux aimaient se retrouver régulièrement, voire tous les jours pour discuter bien plus que pour nettoyer. Le rendez-vous social que représente les lavoirs n’est pas à sous estimer.

Les lavandières nous permettent de rappeler autre chose, nous avons toujours tendance à sous estimer le travail domestique des femmes. Les choses évoluent mais 75% des tâches quotidiennes domestiques sont encore assurés par les femmes dans les couples hétérosexuels. Après leur journée de travail, nombre d’entre nous commencent une deuxième journée à laquelle elles ont déjà pensé toute la journée pour l’organiser : c’est la charge mentale. Un concept de plus en plus présent dans la réflexion autour de la place des femmes dans la société. Je vous conseille la bande-dessinée d’Emma si vous n’êtes pas encore familier de ce concept.

Lavoirs et berges de l’Iton ©F Duval

Notre Dame et les communautés religieuses d’Evreux

Nous allons nous intéresser ici aux communautés religieuses féminines qui ont vécu à Evreux. Deux communautés de sœurs se sont partagées Evreux : les Ursulines et les sœurs de la Providence ou sœurs de Caër. Les deux communautés religieuses se sont attachées à prêcher la bonne éducation et le catéchisme pour les jeunes filles et les sœurs de la Providence se sont, en plus, aussi attelées aux soins des pauvres. Elles ont eu le mérite de rouvrir leurs écoles et leurs hospices malgré les nombreuses expulsions qu’elles ont subies. Toutes ces femmes jouent un rôle important pendant la première guerre mondiale puisqu’elles soignent les blessés et les malades dans leur couvent de l’Abbaye Saint Taurin.
Ces communautés ne sont pas éteintes aujourd’hui notamment la communauté des sœurs de la Providence qui n’a pas changé de nom.

Lucette

Pierrette Greffier de son vrai nom est née en 1921, elle commence ses études à l’Ecole Normale d’Evreux en 1939. Elle voit sa ville détruite par les bombardements et sa maison familiale réquisitionnée en 1940 par les allemands. En 42, elle est nommée institutrice et dès qu’elle est installée, elle prend contact avec la résistance locale. Mais très vite, dessiner des V sur les murs devient trop peu pour elle. Elle devient alors agent de liaison et porte des messages entre les groupes de résistance jusqu’à Vernon la nuit et continue à donner classe le jour.
Ensuite, elle achemine des armes pour le débarquement, elle accompagne les personnalités de la résistance à travers le département notamment le célèbre maréchal Montgomery ! Elle renseigne d’ailleurs l’Angleterre pour organiser le débarquement, rien que ça ! Elle vole des tickets de rationnement de pain pour que les familles les plus modestes puissent se nourrir.

Lucette redevient Pierrette et reprend son poste d’institutrice à Evreux après la guerre. D’héroïne de guerre, elle devient héroïne du quotidien en enseignant aux enfants la tolérance, l’esprit critique et les bases d’une éducation républicaine. A sa retraite, Pierrette témoignera pour qu’on n’oublie jamais, pour qu’on transmette les valeurs de liberté et de respect. Pierrette s’est éteinte en 2018, à 97 ans et jusqu’à son dernier souffle, elle a témoigné pour la paix

Adelaïde Janin

L’eau est un enjeu essentiel dans la vie des habitant.e.s d’Evreux. Déjà au temps des lavoirs, les animaux venaient s’abreuver pendant que les femmes lavaient le linge, ce qui n’était pas top en matière d’hygiène. Une femme, figure ébroïcienne, s’y est attaquée : Madame Jules Janin. Oui vous l’aurez noté, elle n’est pas assez importante pour que son prénom soit passé à la postérité. Vous connaissez peut-être Monsieur Jules Janin, écrivain célèbre, académicien qui est enterré à Evreux. Madame Jules Janin, c’est en fait, sa femme Adelaïde qui a financé la fontaine place du Général de Gaulle.

Adelaïde naît en 1820, son père Monsieur Huet sera Maire et Président du Tribunal d’Evreux. Elle épouse Jules Janin, académicien français et reste toute sa vie attachée à la ville d’Evreux. Elle y mènera une véritable bataille pour l’assainissement et la distribution de l’eau à Evreux. Pour que l’eau bien nécessaire à la vie soit accessible à toute la population. Non pas à travers l’Iton à l’hygiène parfois douteuse mais bien une eau saine. Adelaïde était en avance sur son temps par la lutte qu’elle mène mais aussi une femme de la noblesse qui s’attache à donner un bien commun sain à tous et toutes.

A sa mort en 1876, elle lègue ainsi une grande partie de sa fortune à la Ville d’Evreux pour que tous les quartiers (du centre-ville d’aujourd’hui) aient accès à une eau saine et potable. Il faudra encore quatre ans pour que le réseau se mette en place. Evreux sera une des villes de France où l’eau restera le plus longtemps un bien public. La ville va très longtemps gérer la distribution de l’eau, trace de l’histoire.

Madame Janin s’est attaquée à la distribution d’eau et elle voulait aussi qu’on se souvienne de ce travail. Elle a légué de l’argent pour une fontaine au centre de cette ville d’Evreux qu’elle aimait tant. La fontaine place de la Mairie représente les eaux du département l’Eure (le jeune femme) et ses affluents (les deux enfants) l’Iton et le Rouloir. Sous les gueules des dauphins sont sculptés les armes et les noms des principales villes du département : Bernay, Pont Audemer, Les Andelys et Louviers. La Fontaine sera inaugurée le 14 juillet 1882.
Une fontaine gravée aux noms de son père et de son mari mais pas le sien évidemment !

Fontaine financée par Adelaïde Janin ©F Duval

Solange Baudoux

Artiste dans les années 50, elle est à l’initiative du premier atelier d’art plastique à Evreux. Elle continue son enseignement à la MJC d’Evreux jusqu’à ce qu’elle soit repérée par le maire en 1971 et entre au Conseil Municipal. En 1977, l’ancien maire Rolland Plaisance la nomme Adjointe à la Culture et elle va mener une politique volontariste et exigeante. Elle instaure par exemple l’éducation culturelle par l’art plastique, la musique, le théâtre ou encore la danse. Sous son mandat, elle crée une nouvelle médiathèque, le Cadran, la Maison des arts, le musée d’Evreux et elle obtient également le label Scène Nationale pour le théâtre d’Evreux.

Aujourd’hui encore Evreux a une politique culturelle dynamique grâce au Tangram avec à sa tête une femme, Valérie Baran : par le théâtre, la danse contemporaine et la musique actuelle. La programmation à destination du jeune public est également ambitieuse pour perpétuer cette éducation culturelle pour tou.te.s.

La directrice de la culture est une femme, Anne Jaillette dirige la Maison des Arts et la conservatrice du musée est également une femme Florence Calame-Levert [NDLR : en 2021 Camille Gross]… La culture, une affaire de femmes ?
Le monde culturel et médiatique est aussi un monde sexiste, la place des femmes dans le cinéma, la parole dans les médias. Moins d’un long métrage sur quatre agréés par le CNC est réalisé par une femme. Aucune exposition à la Cinémathèque n’a été consacrée à une cinéaste, une demi-palme d’or a été décernée en partie à Jane Campion, un César de réalisation, 42% d’écart salariale, 28% des avances sur les recettes attribués par le CNC pour des projets féminins. Les femmes parlent moins dans les médias. Cela vous paraît banal ? Pourtant la plupart des téléspectateurs ou auditeurs pensent plutôt l’inverse. Peu de chaîne de télé et de radios respecte en fait la parité, ni Arte, ni France 2! En moyenne, les femmes parlent deux fois moins que les hommes dans les médias français.

Joséphine de Beauharnais

Le théâtre Legendre enfin ouvert pour notre plus grand plaisir. On trouve trace de théâtre à Evreux depuis l’époque gallo-romaine, mais la première trace de théâtre construit dans la ville est 1812, un théâtre financé par un don de l’impératrice Joséphine.

Joséphine fut l’épouse de Napoléon Bonaparte qui accède au pouvoir en partie grâce à elle mais qui la répudiera car elle ne lui donne pas d’héritier. Elle se retrouve alors exilée au domaine de Navarre. Elle entre donc à Evreux en grande pompe par la rue qui deviendra la rue Joséphine. Si aujourd’hui on ne peut plus répudier sa femme pour cela en France, c’est encore le cas ailleurs dans le monde. La femme incomplète sans enfant est encore un vrai sujet dans les sociétés occidentales.

L’impératrice sera sollicitée par le préfet de l’époque pour financer un théâtre construit en 1812, jugé trop dangereux, il sera détruit pour reconstruire l’actuel théâtre à Evreux.

Entre la fontaine et le théâtre vous pouvez constater que les femmes sont bien présentes dans la ville d’Evreux même si elles sont discrètes. Il y a, en effet, peu de noms de rue qui consacrent des femmes à Evreux !

Mesdames, Messieurs, le 8 mars n’est pas une fête loin de là mais si cette journée permet de mettre en lumière des parcours de femmes inspirant alors saisissons-la ! Hommage à toutes les ébroïciennes d’aujourd’hui qui s’engagent et surtout Mesdames, sortez des cases.

Pauline

Ce joli article a été écrit par Marion et rangé dans la catégorie « Brèves du Comptoir »

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